Recrutée par la Resettlement Administration, future FSA, Dorothea Lange avait pour mission d’illustrer via ses clichés l’action du gouvernement en faveur des travailleurs agricoles migrants. Mais, une fois arrivée dans le camp de travailleurs de Nipomo, en Californie, elle comprend que sa mission ne se limitera pas à des belles photos. Il lui suffit de quelques clichés représentant la pauvreté de ces travailleurs pour devenir, aux yeux des Américains, une mère courage digne d’un roman de Steinbeck.
Biographie
Dorothea Lange est née le 26 mai 1895 à Hoboken, dans le New Jersey. C’est une photographe américaine devenue célèbre pour ses réalisations durant la Grande Dépression lorsqu’elle travaillait pour la Farm Security Administration.
Elle qui travaillait d’abord dans son propre studio de photographie à Sans Francisco, l’arrivée de la Grande Dépression la pousse à descendre dans les rues pour y photographier les passantes et passants.
La sensibilité et la délicatesse avec laquelle elle arrive à capturer l’image de sans-abris attirent l’attention de la Resettlement Administration – devenue depuis la FSA, qui décide de lui confier une mission de photographe professionnelle en 1935.
Sa mission pour la FSA
Arrivée sur place, elle découvre par hasard le camp de travailleurs de Nipomo, en Californie. Plus de 2 500 personnes y vivent entassés, dans la misère et la pauvreté. La récolte a gelé à cause du froid, et toutes ces personnes sont donc privées de nourriture et de travail.
Elle y fait la rencontre d’une femme, mère de deux enfants, obligée de se nourrir de légumes gelés et d’oiseaux trouvés par ses enfants. La mère a 32 ans. Dorothea Lange décide de la prendre en photo, assise là, dans sa tente, ses enfants blottis contre elle.
La suite est à peine croyable. Les photos sont transmises à Washington et publiées dans le San Francisco News. Les autorités prennent alors la décision de faire envoyer pas moins de 10 000 tonnes de nourriture dans le camp. Sa Mère Migrante devient célèbre, véritable portrait de la Mater Dolorosa moderne. Elle devient l’égérie de tous ces fermiers qui migrent vers l’Ouest, forcés de quitter leurs terres à cause de la crise. Mieux encore, aux yeux des Américains, elle incarne Ma Joad, la mère courage des Raisins de la Colère de Steinbeck.
Une vie à photographier les visages
Pendant les cinq années qui suivent, Dorothea Lange voyage, accompagnée par son nouveau compagnon, Paul Taylor, un économiste du Parti Travailleur. Taylor en tire des articles, tandis que la continue de capturer leurs visages, leurs expressions et surtout leur misère.
En 1940, elle est récompensée par le Guggenheim Fellowship. Elleest la première femme à recevoir cette récompense. Taylor écrira sur sa capacité à capter la vie intérieure de ses modèles qui vient, selon lui, d’une grande patience et d’une considération profonde pour les gens qu’elle photographiait.
Les vingt dernières années de sa vie furent rendues difficiles par la maladie mais Dorothea Lange résista et resta en vie. Elle devint la co-fondatrice de Aperture, une petite maison d’édition spécialisée dans le livre de photographies.
Elle trouva aussi la force d’accompagner son mari lors de ses missions en Corée, au Vietnam, ou au Pakistan, avant de s’éteindre, définitivement, à l’Octobre 1965.
Une anecdote étonnante
En 1979, on retrouve enfin le modèle de la Mère Migrante. Florence Owens n’est pas une migrante, ni même une paysanne américaine. Elle est une indienne de la tribu Cherokee et se sent trahie par la photo. Elle dit n’avoir jamais rien pu en tirer, continuant de son côté à enchaîner les petits boulots pour nourrir ses enfants. Un mythe qui s’effondre ? Pas vraiment…
En effet, lorsque la modèle de la photo de Dorothea Lange tombe gravement malade, ses enfants font appel à la générosité des donateurs pour payer ses soins. Devant le nombre incalculable de témoignages et de dons venus de familles en situation précaire, la famille Owens finit par se réconcilier avec cette fameuse photo…